Dans les coulisses du management de production : quand les pros retournent à l’école chez ARTFX

Entre supervision, coordination et direction de projet, la production est souvent la colonne vertébrale invisible de l’animation et des VFX. À ARTFX, une formation, financée par l’AFDAS, en management de production attire chaque année des professionnels venus du terrain, désireux de comprendre la chaîne de fabrication et d’affirmer leur légitimité. Rencontre croisée avec six d’entre eux : Solenne Bourgeois, Antoine Deprez, Thaïs Dubois, Pablo Ramos Artiles, Charly Pineau et Yvann Makele.

“Ce qu’on fait, c’est créer un espace de confiance, pas un tableau Excel de plus.”
— Antoine Deprez, second assistant réalisateur (Arcane, Fortiche)

Le point commun entre un superviseur, un graphiste et un ex-étudiant en japonais ?
L’envie d’organiser le chaos.

La production, c’est souvent une vocation qui se découvre en chemin. C’est une vocation qui se révèle sur le tas — au fil des réunions à cadrer, des plannings à sauver, des équipes à écouter.

Solenne Bourgeois le sait bien : après dix ans dans le compositing (Cube Creative, Illumination, Mikros Animation Montréal), elle a supervisé SpongeBob et co-supervisé Tortues Ninja. Ce qu’elle cherchait à ARTFX : “formaliser” un savoir acquis sur le terrain et renforcer ses compétences en management.

Antoine Deprez, passé par la production sur Arcane (Fortiche), voulait “comprendre la fabrication de A à Z” et apprendre à éviter les erreurs récurrentes du quotidien.

Thaïs Dubois, graphiste devenue coordinatrice après des passages chez Fortiche et Gao Shan Pictures, voyait dans la formation un tremplin pour “mieux saisir la logique complète d’un projet, du devis au rendu final”.

Trois autres trajectoires, tout aussi singulières

Pablo Ramos Artiles, ancien étudiant en 3D, est aujourd’hui coordinateur technique chez Unit Image. Entre équipes artistiques et informatiques, il cherchait dans la formation un cadre solide pour son rôle de facilitateur. » pablo me dit je cherchais plutôt une compréhension plus poussée des attentes de la hiérarchie et de ce qu’est le métier de producteur, qu’on a tendance à apprendre « sur le tas » reformule dans ce sens

Charly Pineau a, lui, roulé sa bosse dans la 3D publicitaire et le lighting chez Illumination, Mikros ou encore Superprod sur des longs métrages (Astérix, Tortues Ninja) ou des courts. Après treize ans d’image, un besoin d’autre chose : “Je voulais comprendre la partie carrée du métier, celle qu’on ne m’avait jamais apprise.”

Quant à Yvann Makele, son parcours atypique – licence d’anglais-japonais, école de 3D, expérience de coordination – l’a mené à une évidence : “La production, c’est l’art de faire exister les autres.” Il est chargé de production chez Unit Image.

“La production, c’est l’art de faire exister les autres.”
Yvann Makele

Une formation ancrée dans le réel

Tous évoquent une formation dense, pragmatique et profondément humaine. On y parle Excel et CNC, mais surtout de gestion de crise, communication, écoute, éthique. Les mises en situation – conduite de réunion, étude de cas sur le harcèlement, répartition d’un ticket de cinéma – mettent en pratique ce que les manuels n’enseignent pas. Solenne retient un programme “hyper complet”. Antoine y a trouvé une méthode pour formaliser ses intuitions. Thaïs, elle, insiste sur “la richesse du réseau et la diversité des points de vue” — diversité qui lui a d’ailleurs valu une embauche chez UNIT !

Mais avant d’être une formation, ce programme est né d’un constat de terrain. Simon Vanesse, CEO d’ARTFX et ancien producteur VFX chez Buf Compagnie, directeur de production indépendant puis directeur de l’animation chez Mikros pendant cinq ans, l’a imaginé en observant le vide qui existait entre les responsabilités confiées aux producteurs et la formation disponible pour y faire face : “Les métiers de la production sont exigeants : il faut allier management, création, gestion budgétaire et accompagnement client. Ces fonctions demandent des compétences techniques et humaines précises, pourtant plus de la moitié des professionnels en poste n’ont jamais été formés pour ça.”

L’objectif est clair : outiller ceux qui tiennent les studios debout. Aider les coordinateurs, assistants, directeurs ou superviseurs à comprendre les enjeux économiques, managériaux et stratégiques d’un studio de fabrication — du pilotage budgétaire à la relation client. Le programme aborde autant les compétences transversales (gestion d’équipe, communication, planification) que les compétences verticales liées à la compréhension des pipelines et à la direction de production. En somme, leur donner les clés pour être meilleurs dans leur poste aujourd’hui, et capables d’en inventer les contours demain.

Manager, c’est d’abord apprendre à écouter

Le module de management est unanimement salué. Il redéfinit la posture du responsable de production : ni chef, ni contrôleur, mais médiateur et cadre de confiance.

“Avant, je savais faire. Maintenant, je sais expliquer comment je fais”, résume Antoine. L’éco-production fait partie des sujets abordés au fil de la formation — non comme une contrainte réglementaire, mais comme une prise de conscience progressive. Le thème a particulièrement résonné chez plusieurs participants, qui l’ont choisi comme point de départ pour leur mémoire de fin de parcours, prolongeant la réflexion sur une production plus responsable et durable.
En clôture du parcours, chacun a été invité à explorer un enjeu contemporain de la production audiovisuelle et d’animation : un sujet personnel, approfondi sur plusieurs semaines, avant une soutenance devant un jury de professionnels.

Ce moment de réflexion a permis à tous de prendre du recul sur leurs pratiques et de confronter leurs idées à celles du terrain. Les thématiques ont été aussi variées que révélatrices :

• les leviers concrets de l’éco-production,
• le timelog comme véritable thermomètre de la production,
• ou encore ce que l’animation peut apprendre du jeu vidéo en matière de méthodes agiles et de pipeline.

Un exercice exigeant, mais précieux : penser la production, pour mieux la réinventer.

Un réseau vivant, une communauté en mouvement

Au-delà des cours, la formation a créé un groupe soudé.

Les échanges se poursuivent bien après la fin du cursus : entraide sur les productions, conseils, offres d’emploi. “Quand quelqu’un a une galère de prod, le groupe répond dans l’heure”, raconte Thaïs. Les intervenants, tous professionnels en activité, adaptent leurs modules aux profils. Pablo souligne cette écoute : “Ils partent de notre réalité, pas d’un modèle abstrait.”

Se former pour continuer à avancer

De Solenne à Yvann, une conviction traverse les récits : il n’est jamais trop tard pour se former. La production évolue vite, et la formation ARTFX permet de renforcer sa crédibilité tout en redonnant du sens à sa pratique.“Ce n’est pas une formation pour changer de métier,” dit Charly, “c’est une formation pour comprendre le sien autrement.”

Prochaines dates de formations : du 24 au 28 novembre 2025

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