Retour aux articles
  • Interview Interview
  • Création
  • FX
  • IA
  • Inspirations

Le processus créatif de Cédric, Lead Environment Generalist sur le film Furiosa

- Ecrit par Aurore Vartanian

Il y a quelques mois, un de nos anciens étudiants, Cédric MOENS DE HASE, Lead Environment TD Generalist chez FRAMESTORE, revenait au sein du campus ARTFX Montpellier afin de nous faire part de ses expériences, son parcours, son process créatif et son point de vue sur les outils d’IA en studio…

A- Hello Cédric, tu peux nous expliquer ce qu’est être « Lead Environment Generalist » ?

C- Il y a deux aspects : d’abord le rôle de généraliste, qui implique de toucher un peu à tout dans tous les départements, et ensuite celui de Lead Environment TD (Technical Director). Concrètement, on s’occupe des environnements dans les films. Par exemple, on remplace les fonds verts ou bleus par les décors finaux, et on peut aussi intégrer des environnements 3D, souvent en arrière-plan. On est orienté technique, donc on ne craint pas une ligne de code ou des setups Houdini plus complexes. Le rôle de « lead » ajoute une dimension de management : on gère l’équipe, répartit les tâches, filtre les retours clients, traduit leurs attentes et oriente le travail de l’équipe. C’est donc un mix de technique, d’artistique et de gestion. En tant que lead, on est un peu le point de contact pour les artistes de l’équipe. Si un membre est bloqué, on utilise nos compétences techniques et artistiques pour le débloquer et le guider.

A- As-tu un processus créatif particulier ? J’ai vu que tu étais passionné de photographie aérienne, de voyages de paysage aussi, est-ce que tu intègres ça dans ton process et si oui, comment ?

C- Je me considère comme généraliste, même si je suis Lead Environment TD. Si le poste de “généraliste” existait dans ma boîte, je l’aurais pris ! Chez nous, l’appellation “environnement” résume bien ce qu’on fait : c’est un terme un peu fourre-tout qui touche à de nombreux aspects de l’image. On travaille sur la lumière, les textures, le modeling, le layout, le compositing, le matte painting. C’est cette diversité qui me passionne, car elle me permet de retranscrire ce qui m’entoure dans les films. Pour moi, le processus créatif commence par l’observation : savoir regarder les détails de la vie, les remarquer et les retranscrire en 3D. C’est ça qui fait la différence. La photographie aérienne est effectivement une passion, et j’aime beaucoup réaliser des « establishing shots », ces plans larges qui montrent l’environnement. Ce sont souvent mes favoris, car ils combinent vue d’ensemble et détails techniques.

A- Tu peux nous parler de ton job sur le film Furiosa (2024) ?

C- Je ne peux pas tout dévoiler, mais nous avons travaillé sur deux grosses séquences dans le désert, avec beaucoup de sable et de dunes. Ce genre de projet VFX prend des mois, parfois même des années pour quelques minutes de film ! J’ai passé plus d’un an à travailler sur les dunes, en collaboration avec d’autres départements comme les FX pour que le sable puisse voler ou se déplacer sous l’effet des véhicules. Ce travail nécessitait une bonne compréhension de la formation des dunes : les dunes ne sont pas simplement des triangles beiges. On a étudié les phénomènes naturels, les angles de repos, etc., pour recréer quelque chose de réaliste. Houdini nous a beaucoup aidés, avec un solver de dunes utilisé par la NASA !

A- Il y a une vraie analyse naturelle, du coup, vous vous êtes mis en relation avec des scientifiques pour le comportement du sable et des dunes ?

C- Pas directement, mais nous avons trouvé de nombreux articles scientifiques en ligne. Certains étaient complexes, mais en comprenant ces processus, nous avons pu offrir un résultat réaliste, ce qui a satisfait le client. Pour finir, nous avons ajouté des détails photographiques par digital painting, car rendre chaque grain de sable en 3D serait trop long. La clé était de trouver le bon équilibre entre ce qui devait être fait en 3D et les éléments à peindre.

A- À part ça, quel a été le projet qui t’a le plus marqué sur tes différentes expériences et pourquoi ?

C- Quand je travaillais à Londres chez Industrial Light and Magic, j’ai eu l’occasion de travailler sur The Creator, un film de Gareth Edwards. Comme il a lui-même un passé de VFX artist, il comprend bien les contraintes de ce métier. Il privilégie des prises de vue en extérieur, avec peu de fonds verts, ce qui nous a permis de nous concentrer sur l’embellissement de l’image plutôt que de tout recréer de zéro. Ce type de projet est très agréable pour nous, car il repose sur des images solides prises sur le terrain, contrairement aux tournages entièrement sur fond vert. C’est d’ailleurs ce que fait aussi ARTFX en formant ses étudiants dès le début à travailler sur l’image réelle. Aujourd’hui, des films comme The Creator ou Godzilla Minus One, dirigés par d’anciens artistes VFX, montrent l’efficacité de cette approche et réussissent avec de petits budgets en s’appuyant sur des images concrètes. J’espère que cette méthode inspirera certains studios comme Marvel à sortir un peu des fonds verts.

A- Selon toi, comment donner de la vie à une scène ?

C- Il faut guider l’œil du spectateur avec la lumière, les contrastes, les petits mouvements subtils comme une fumée ou une feuille qui bouge. Ces détails sont souvent les plus compliqués car ils arrivent en dernier, quand on est déjà en retard ou quand ils n’ont pas été budgétés. Mais ils font une vraie différence.

A- Parle-nous un peu de l’IA dans ton corps de métier ?

C- Est-ce qu’elle va nous remplacer? Pas tout de suite ! Peut-être un jour. Mais elle nous aide déjà à automatiser des tâches répétitives, ce qui peut nous faire gagner du temps pour pousser les visuels encore plus loin. L’IA suscite aussi des inquiétudes, autant que pour les étudiants que nous en studio, surtout le génératif, qui est encore imprécis pour ce que nous faisons. Mais pour les tâches où la répétition est importante, c’est un outil prometteur.

A- Est-ce que tu as une anecdote à nous partager sur ton parcours, sur ta vie étudiante ?

C- À la base ce qui m’a attiré, c’est que j’aimais beaucoup les films. Mais le choix était aussi lié au fait qu’on puisse voyager, s’installer ailleurs. Grâce à ARTFX, reconnue partout (car oui tout le monde connaît cette école) dans n’importe quel studio, on trouve toujours quelqu’un d’ARTFX ou il y a eu quelqu’un d’ARTFX. J’ai pu m’installer à l’étranger et vivre des expériences culturelles incroyables : Maintenant je suis en Australie, la vie est belle, le relief et la qualité de vie sont incroyables, les gens sont sympas, donc ça c’est bien et c’est chouette parce qu’au même niveau artistique, ça ouvre plein de portes. Un seul conseil aux étudiants : c’est de bien se renseigner sur les visas, car cela peut être un obstacle s’ils ne sont pas préparés. Donc je recommande à tous les étudiants qui vont sortir de cinquième année de s’y prendre le plus tôt possible, car si on espère être engagé vite, il faut se renseigner un peu sur les types de visas qui existent et que les entreprises fournissent, ça peut être intéressant. Il y a certaines entreprises qui requièrent un test d’anglais pour avoir le visa par exemple.

A- Es-tu satisfait de ta vie à l’étranger, tu es bien là où tu es ?

C- Oui, je suis très satisfait, même si la distance avec la famille se fait sentir. Mais, je pense que ça ne doit pas décourager parce que paradoxalement, depuis que je suis en Australie, je parle plus souvent à mes parents qu’avant finalement ! Le milieu anglo-saxon est plus souple sur les promotions, par exemple, j’ai pris un post de LEAD après 3 ans d’expérience pro, ce qui est très peu, mais ils m’ont donné ma chance ! Maintenant je travaille tous les jours pour leur montrer qu’ils ont eu raison de me la donner et je m’en sors plutôt bien (rires). En France, ils sont un peu plus attachés au nombre d’années par rôle pour gravir les échelons et ne pas brusquer les choses, alors la France peut être une bonne option une fois l’expérience acquise à l’étranger. Peut-être qu’un jour je reviendrai y travailler.

Visuels : images tirées du film Furiosa (Kennedy Miller Productions Village Roadshow Pictures)

Cédric Moens de Hase

Artiste en effets visuels avec une expérience pratique sur des projets pour Disney, Netflix, Apple et plus encore… Alumni ARTFX, aujourd’hui expert VFX, titulaire d’un MBA, Cédric s’épanouit en tant que généraliste dans la conduite de tous les aspects du processus créatif, qu’il s’agisse de mettre en place un plan dès le début ou de perfectionner le composite final. Passionné à l’idée de donner vie à des scènes, il se spécialise dans le travail sur l’environnement et dans la création de plans époustouflants qui laissent un impact durable.

⚡ Votre navigateur est obsolète ⚡

Mettre à jour mon navigateur