Experte du jeu vidéo et avec de nombreuses années de carrière dans différents studios, nous avons interviewé Dominique Peyronnet, directrice du campus ARTFX Montpellier, sur le sujet de l’évolution des métiers face à l’essor de l’Intelligence Artificielle. En effet, avec l’essor de l’IA, les métiers de l’animation et du jeu vidéo font face à de nouveaux défis. L’IA entraînera indéniablement une évolution des métiers, bien que l’ampleur de cette transformation demeure encore difficile à prédire.
Pour autant, Dominique Peyronnet estime que ces technologies ne modifieront pas radicalement l’ensemble des métiers, mais interviendraient sur des tâches précises, souvent répétitives et systématiques, permettant ainsi un gain de temps important. Ce temps gagné pourrait être réinvesti dans des aspects créatifs, à forte valeur ajoutée, où l’intervention humaine demeure indispensable.
L’un des grands apports de l’IA, réside dans sa capacité à gérer des processus systématiques et tâches répétitives, mais ne pourra pour autant pas remplacer les « inputs » et « outputs » des projets créatifs. Les inputs, tels que l’intention d’un réalisateur ou d’un directeur artistique, resteront profondément humains, tout comme les outputs, qui incluent la validation de la qualité artistique ou de l’intention narrative. L’IA pourrait plutôt accélérer certains processus comme la recherche de documentation, les tests ou les itérations, mais ne remplacera pas les créateurs de concepts artistiques, qui continueront à jouer un rôle clé, notamment lors de la pré-production.
Dominique Peyronnet souligne également que, malgré sa grande puissance, l’IA présente des limitations techniques. Par exemple, une IA comme Sora, capable de générer des films animés, nécessite des machines très performantes : cela soulève ainsi des questions de rentabilité, particulièrement dans des contextes de coproduction.
Dans le domaine de l’enseignement, l’IA est abordée de manière pragmatique. L’objectif est de dédramatiser l’utilisation de cette technologie auprès des étudiants, car beaucoup d’entre eux en ont une appréhension. L’important est de leur offrir une compréhension claire de ce qu’est l’IA, de son fonctionnement et de ses applications spécifiques dans l’animation et le jeu vidéo. En pratique, il s’agit de former les étudiants à utiliser l’IA comme un outil, et non comme une révolution. L’IA ne les remplacera pas, mais elle pourra compléter leur travail, surtout pour les tâches répétitives. L’expert souligne également l’importance de former les étudiants à manipuler l’IA de manière précise, notamment en apprenant à formuler des commandes efficaces pour obtenir les meilleurs résultats, tout comme on le ferait avec un moteur de recherche.
Chez ARTFX, des cours spécifiques sont proposés pour préparer les étudiants à ces nouvelles réalités. En pré-production, les étudiants apprennent à utiliser l’IA pour générer des prototypes et des idées visuelles rapidement. En post-production, l’IA est utilisée pour des tâches comme le débruitage ou l’upscaling. En quatrième et cinquième années, certains étudiants intègrent l’IA dans leurs projets de fin d’études, par exemple pour générer des personnages secondaires ou des shaders. L’objectif est de rendre les étudiants à l’aise avec ces outils dès leur première année, afin qu’ils puissent les intégrer naturellement dans leurs processus de production.
Visuel : image générée par I.A.

Pionnière du jeu vidéo, Dominique Peyronnet est l’une des premières femmes en France à avoir travaillé dans le milieu du jeu vidéo au début des années 90. Formée à l’École des beaux-arts de Saint-Étienne, elle a démarré en tant qu’infographiste, puis directrice artistique chez Infogrammes à Lyon (éditeurs des jeux Alone in the Dark, Outcast), avant de cofonder le studio WideScreen Games (The Witcher). Elle est aujourd’hui directrice de l’école ARTFX Montpellier, un campus de 630 étudiants réputé mondialement pour la qualité de ses formations, notamment dans le milieu des effets spéciaux. Alors que beaucoup partent travailler a l’étranger après leurs études, Dominique Peyronnet s’emploie à « garder nos talents en France », et à Montpellier où plusieurs grands studios d’animation se sont installés ces dernières années.