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L’IA Générative : comprendre l’outil et cultiver l’individualité dans la création numérique

- Ecrit par Aurore Vartanian

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L’Intelligence Artificielle (IA) est en train de transformer le paysage de la création à une échelle comparable, voire supérieure, à celle de la naissance d’Internet. Face à cette mutation, les écoles d’art numérique, comme ARTFX, se positionnent non seulement pour intégrer ces technologies, mais surtout pour former des créateurs capables de les maîtriser et d’en comprendre les enjeux profonds. Nous explorons ici la vision de Valentin Dornel, dit Valdo, expert en effets spéciaux (FX TD) reconnu dans l’industrie et désormais responsable de l’IA générative au sein des trois écoles ARTFX.

L’Expertise au service de l’Éducation

Valentin Dornel possède une riche expérience dans la production de contenu, ayant travaillé sur des séries, des publicités et des longs métrages internationalement reconnus, y compris Spider Verse (dont l’équipe a remporté un Oscar et un Bafta Awards). Valdo a approfondi son intérêt pour l’IA, faisant déjà de la veille technologique depuis la sortie de Chat GPT-3. Face aux questions stratégiques sur l’évolution des marchés, ARTFX lui a proposé de partager son point de vue au sujet de la responsabilité de l’IA générative. Aujourd’hui, il enseigne l’IA à ARTFX sous deux angles cruciaux pour les futurs professionnels :

  1. L’IA théorique : Comprendre le fonctionnement interne de la machine
  2. L’IA pratique : Apprendre à construire des systèmes d’IA, plutôt que de se contenter d’utiliser des solutions clés en main qui sont souvent éloignées des besoins spécifiques des créateurs

L’IA : un outil, pas une fin en soi

L’IA est avant tout un outil. Comme l’explique Valdo à ses étudiants en utilisant une métaphore, « quand on a un marteau, tout devient un clou« . Un outil est performant pour des cas d’usage très spécifiques. La question éthique de l’utilisation de l’IA générative est complexe. Cependant, même si l’on choisit personnellement de ne pas « nourrir la machine« , les générations faites par d’autres iront de toute façon dans ce sens.

« L’une des qualités majeures de l’IA est de permettre l’industrialisation de l’art. Elle permet de créer rapidement des images qui se ressemblent beaucoup. Cependant, l’art et les œuvres artistiques cherchent souvent l’inverse : raconter quelque chose de cher à soi-même et exprimer des individualités. »

L’IA vient également bouleverser l’hégémonie de la création d’images détenue historiquement par Hollywood et l’Occident : elle offre une opportunité à des minorités et à des pays qui n’avaient pas la même force de frappe technologique de s’exprimer et d’amener de nouveaux narratifs. Pour les créateurs, l’approche la plus intéressante consiste à hybrider la création avec des outils historiques et des nouveaux outils toujours plus performants, afin de diriger fortement le processus créatif. Le choix d’utiliser l’IA dépend uniquement de ce que l’on cherche à raconter à la fin.


Face à l’industrialisation : cultiver l’artisanat et l’individualité

Dans l’industrie, le travail des étudiants ARTFX sera confronté à une pression économique et créative majoritairement guidée par la recherche de bénéfices, incitant à utiliser des outils rapides comme l’IA. Cependant, les métiers ne vont pas disparaître, mais seront transformés et repris par d’autres personnes qui utiliseront ces outils. Ce glissement de carrière peut être illustré par le parallèle de la haute joaillerie : il y a dix ans, l’impression 3D métal a émergé. Les artisans qui ont conservé leur savoir-faire traditionnel sont aujourd’hui surchargés de commandes, car ils représentent le sommet de l’artisanat.

ARTFX vise à former des étudiants capables de s’orienter vers l’équivalent de la haute joaillerie pour la création d’images. Pour les étudiants qui demandent comment devenir performant avec l’IA, la réponse de Valdo est claire : la maîtrise de l’outil ne doit être qu’une « brique » vers l’objectif final.

La clé du succès réside dans la culture de l’individualité. Pour cela, il est essentiel de :

  • Nourrir son œil en dehors des écrans.
  • Ouvrir son esprit : consommer du film d’auteur, du cinéma d’art et d’essai, visiter des musées, étudier l’architecture, se nourrir de documentaires, etc.

C’est cette expérience de vie et cette culture diverse qui créeront un surplus artistique.

« Si l’on se cultive uniquement avec des contenus « fast food » ou similaires à tout le monde, le travail produit sera similaire. En revanche, une culture riche permet d’apporter les 5 ou 10% de différence qui rendent une proposition intéressante, même dans un contexte industriel. »

L’IA est susceptible de prendre toutes les parts de marché du côté de l’industrialisation des images, tandis que du côté de l’artisanat, ce seront les points de vue uniques et la façon de raconter qui compteront, construits intellectuellement, plus que la simple maîtrise technique.


Attention aux dangers de « l’érosion cognitive » et des biais

Si l’IA permet de produire plus, Valdo souligne que créer mieux est plus souhaitable; produire plus vite et plus fort surcharge l’économie de l’attention, pouvant engendrer des pathologies cognitives : plus nous déléguons notre pensée et notre réflexion à l’IA, moins nous utilisons notre cerveau. Les modèles de langage (LLM, comme Chat GPT ou Gemini) ont tendance à ne donner que la réponse directe à la question, limitant la sérendipité (découvrir plus que ce que l’on cherchait initialement) et restreignant ainsi notre vision et notre compréhension du monde.

De plus, l’IA est un outil extrêmement puissant pour orienter les imaginaires. Les données d’entraînement des LLM sont majoritairement composées de contenus créés par « des hommes blancs occidentaux », ce qui crée des biais cognitifs à très grande échelle dans les modèles finaux. Il est même possible de biaiser les résultats de ces modèles avec une vision spécifique du monde, ce qui soulève de très gros dangers. Certains parlent même de « technofaschisme », car ces biais sont invisibles aux yeux des personnes non averties.

Face à ces risques, la meilleure façon de contrecarrer la peur de l’IA est de s’y intéresser profondément et de comprendre ce qui se passe en sous-jacent. Il est fondamental de savoir comment cette technologie fonctionne pour mieux naviguer dans la direction qu’elle donne au monde.

 


Mots-clés : IA Générative, ARTFX, Création Numérique, Formation Art Numérique, Éthique IA, Industrialisation de l’Art.

Valentin Dornel

Valdo est un FX TD reconnu dans l’industrie, avec une solide expérience sur des productions variées : séries, publicités et longs métrages, dont certains primés internationalement comme Spider Verse, couronné d’un Oscar et d’un BAFTA. De retour en France à Montpellier, il s’associe à l’entreprise Menhir FX, spécialisée dans les bandes-annonces de jeux vidéo, où il pilote la technologie, le pipeline, les relations clients et les enjeux organisationnels. Fortement engagé pour le bien-être au travail, il a également participé à y mettre en place, avec son équipe, un modèle transparent et innovant, basé sur la semaine de 32 heures et la transparence financière. Après quatre ans, il se tourne vers l’enseignement des effets spéciaux chez ARTFX, tout en approfondissant son intérêt croissant pour l’intelligence artificielle.

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